Noter ou évaluer : réponses aux questions d'un collègue

Sébastien,

         

  La suppression des notes procède d’une bonne intention : éviter du stress aux écoliers français.
Mais avant de signer une pétition, ne vaudrait-il pas mieux s’interroger sur les conséquences d’une suppression de la notation :
-          L’enfant doit-il ou non être informé de ses difficultés scolaires ?

Pourquoi informer l'enfant de ses difficultés scolaires?
Et comment déterminer le seuil de cette difficulté scolaire? Par rapport à quel niveau objectif?
Je pense qu'il est nettement préférable de montrer à l'enfant ce qu'il sait déjà faire et ce qu'il lui reste à apprendre.
Pour cela les ceintures de la PI  permettent vraiment à l'élève d'avoir un objectif atteignable tout en ayant le sentiment de grandir au fur et à mesure du passage des ceintures.

-          Les parents doivent-ils ou non être informés des difficultés scolaires de leur enfant ?

Même réponse, et j'ajouterais qu'une note sur 20 n'informe en rien sur ce que sait on ne sait pas un enfant.
Avoir 8/20 en maths ne renseigne nullement sur les compétences déjà acquises ni sur les blocages.

-          Quelles évaluations objectives l’enseignant pourra-t-il mettre en avant quand il souhaitera communiquer avec les parents sur les performances de leur enfant ?

La note, est une valeur chiffrée qui pourrait passer pour objective ou scientifique, en réalité elle n'est que la traduction d'un score de réussite ou d'échec à des tests qui sont rarement construits en toute objectivité.
Les protocoles de passation et de notation des évaluations sont bien difficiles à réaliser pour qu'ils respectent le caractère scientifique traduit par une note. Je ne parle même pas du choix de la difficulté des exercices.

-          Quel est l’intérêt d’une suppression des notes si le dispositif d’évaluation mis en place pour s’y substituer aboutit aux mêmes effets (stress, sensation d’échec, mauvaise image de soi) ?

Aucun!
Mais supprimer les notes  ne veut pas dire  s'abstenir d'une réflexion sur un système d'évaluation positif et émancipateur.

-          Que dire encore si ce nouveau système d’évaluation est peu clair et coûteux en temps pour le maître ? l’évaluation par compétences est certes très intéressante, mais engendre une surcharge de travail que des enseignants déjà accablés de tâches nouvelles auront du mal à assumer et à vivre. La fatigue des maîtres est devenue une réalité que l’on constate de plus en plus.

Il en va de l'évaluation comme du reste de notre boulot. Faire tourner les pages d'un manuel et abuser du photocopieur c'est aussi moins fatigant que de travailler en respiration avec la vie de la classe.
En réalité c'est le rythme de 4 jours plus l'aide perso qui fatigue tout le monde.
J'ajouterais que l'évaluation par compétences devrait fonctionner sur le cycle et qu'une telle réflexion n'a pas souvent été menée dans les équipes, chacun tenant à son système qu'il pense être le plus efficace.
Je fais aussi parti de ceux-là mais j'ai l'avantage de travailler sur un cycle entier.

-          Le désir de se surpasser est-il quelque chose qu’il faut éradiquer de l’esprit d’un élève ou un levier qui va lui permettre de progresser ?

Se surpasser  ou dépasser l'autre?
Le système classique qui note et classe les enfants engendre plus souvent une compétition inutile qu'un désir de se surpasser.
Grandir c'est "être capable de" réaliser des choses de plus en plus complexes et ça doit aussi donner le devoir de tendre la main à ceux qui ne savent pas encore. Les notes, et pire encore les moyennes, ne sont jamais envisagées dans cet esprit.

-          Doit-on aspirer à une société sans évaluation dont les enfants non évalués d’aujourd’hui seront demain les acteurs ?

Une société sans évaluation oh oui!! je cours m'y inscrire de suite.
Notre société fonctionne entièrement sur un dogme stupide qui est le résultat d'une évaluation ridicule : le niveau de croissance du PIB.
Quand on sait que plus il y a de catastrophes plus le PIB progresse, alors tout est dit.
Donc si les acteurs de demain pouvaient avoir une culture de la recherche du bonheur, du partage et du don au lieu de celle de la compétition et  de la destruction massive des richesses, il n'y a pas à réfléchir longtemps.
L'école a le pouvoir de transformer la société, pourquoi s'en priver?

-          Comment des maîtres exigeants dans leur pratique professionnelle(et notés), vont-ils accepter d’être confrontés à des élèves qui se foutent de leurs résultats ?

Mes élèves ne se moque pas du tout d'être ceinture jaune et bientôt orange en maths ou en français. Par contre je me moque bien de la note administrative qui décore mon dossier professionnel.

-          Est-ce criminel de la part d’un enseignant de vouloir obtenir le meilleur de ses élèves ? et dans la négative comment peut-il obtenir de ses élèves un réel investissement de ses élèves sans le recours aux évaluations ?

Attention tu parles maintenant d'évaluations et non plus de notes. Comme nuance à ta question je dirais que l'instit doit plutôt chercher à ce que l'élève accède au meilleur de lui-même. Je n'ai que faire d'obtenir des résultats de mes élèves, cela m'apporte rien...mais je pense avoir interprété ta phrase pour seulement chipoter un peu.

Voilà les questions que je me pose, moi qui ai le tort de voir les notes comme l’élément indispensable d’une relation honnête et objective avec les enfants et avec les parents.

Effectivement je pense que tu as tort de penser que les notes sont indispensables et objectives, cela sans remettre en cause l'honnêteté de ta pratique.
Ce n'est pas se tromper que de noter les élèves mais il faut se garder de trouver trop de vertus à ce conservatisme.

Quel difficile métier nous avons!!!

J'espère, non pas t'avoir convaincu -encore que- mais au moins avoir contribué à nourrir ta réflexion sur ce sujet. En tout cas, ton petit questionnaire m'a permis d'avancer aussi et je t'en remercie.

Sébastien Goyer
École C-Freinet
GS-CP-CE1
16460   St-FRONT

"Les notes et les classements sont toujours une erreur" Célestin Freinet.

http://sites16.ac-poitiers.fr/st-front/